Voici mes notes (donc un peu en vrac) concernant ma petite chronique sur Radio Nova (#lHeureDePointe) .
Les aéroports sont des endroits fascinants pour de nombreuses raisons. Nous pourrions parler des architectures monumentales, de l’uniformisation des aéroports (boutiques qui sont toutes les mêmes)… Mais ce qui me fascine le plus, c’est la manière dont on essaye de vous faire bien comprendre à quelle classe vous appartenez (à tous les sens du terme) dans ce lieu.
En effet, il existe une mise en scène incroyable dans la gestion des files d’attente, dans le protocole insensé pour rentrer dans l’avion, dans l’utilisation d’un vocabulaire spécifique … et tout cela pour bien vous montrer que vous êtes pauvres ou riches (je simplifie volontairement).
Les compagnies d’aviation doivent en effet justifier la grande différence de prix entre les classes (Première / business / prémium/ economy…), malgré le fait que l’on arrive visiblement au même endroit à la même heure, quel que soit le prix de votre billet.
Par exemple un Paris New York en première classe coute 6 000 euros, en business : 3 000 euros et en classe économique : 400 euros (donc 15 fois moins chère que la première classe).
Et, c’est, cela le grand problème des compagnies d’aviation, comment justifier cette différence de prix!
À partir du début des années 60, les vols en avion se sont démocratisés (avec les fameux vols charters), nous avons donc eu un mélange de populations hétérogènes dans un même espace qui était réservé auparavant aux plus aisés.
La gestion de la file d’attente dans les aéroports est vraiment unique (on retrouve cela aussi dans les parcs Disney), en effet il existe plusieurs files d’attente suivant le prix de votre billet et vous retrouvez à côté des gens passant devant vous, car ils payent plus cher leur billet, dans une file se nommant généralement : Premium / privilège / priorité / excellence / Elite / luxe… les riches peuvent donc regarder les pauvres faire la queue et réciproquement, les pauvres peuvent voir les riches passer devant eux.
Une fois cette file d’attente passée, il va falloir embarquer dans l’avion. Les passagers de première classe embarquent généralement les premiers, avant les passagers des autres classes, ce qui est totalement contreproductif.
La solution la plus évidente serait de faire rentrer en premier les classes « économiques » car elles sont placées à l’arrière de l’avion, cela rendrait beaucoup plus fluide l’entrée dans l’avion.
Mais, non, on fait rentrer les classes les plus hautes en premier, il faut attendre que ces gens soient installés et après seulement les autres classes inférieures puissent rentrer sous le regard complaisant de ces premières classes bien installées (qui souvent peuvent déjà avoir une collation).
Toujours cette même logique, il faut que les voyageurs des différentes classes puissent bien voir les différences de traitement entre eux.
C’est le même système d’humiliation que l’on se retrouve lors des défilés (dans la mode) qui divisé en deux mondes bien distincts qui sont les invités « debout » et « assis » (il existe aussi une hiérarchie suivant votre place plus ou moins proche du podium).
Il faut toujours que ces deux mondes puissent se voir (sans se toucher) afin que chacun ait bien conscience de sa place dans ce système de hiérarchie sociale temporaire.
Et pour finir en guise de conclusion, très récemment dans l’aéroport de Los Angeles, vient de s’ouvrir un nouveau terminal, le «Private Suite», réservé aux clients les plus aisés. Cette fois, les passagers sont séparés physiquement, mais les classes supérieures peuvent voir sur des écrans les voyageurs qui sont dans les autres terminaux (qui sont bruyants, avec des gens faisant la queue depuis des heures …). Et le responsable de ce terminal pour « très riche » se félicite même que les autres terminaux soient très fatiguant et désagréables pour les clients ne pouvant se payer un billet dans une classe supérieure. Toujours cette même logique, il faut que les gens aient bien conscience de l’endroit où ils sont. Au lieu d’essayer d’améliorer la facilité d’accès aux avions, le temps d’attente… on préfère montrer et monétiser cette différence entre les plus aisés et les moins aisés.
Une autre anecdote (merci Xavier de La Porte), on s’aperçoit qu’il y a beaucoup plus de « Air Rage » (personne ayant un comportement très agressif durant un vol) dans les avions mélangeant différentes classes alors que dans les avions ayant qu’une seule et même classe (souvent économique), il y a beaucoup moins d’incidents.
Cette différence visible de traitement va induire logiquement des frustrations et donc des comportements agressifs.
Photo à Paris Aéroport – Orly (ORY).
Étienne Mineur
Étienne Mineur, né en 1968, est un designer, éditeur et enseignant français, dont le travail est axé sur les relations entre graphisme et interactivité.
Diplômé de l’école nationale supérieure des arts décoratifs de Paris en 1992, il commence sa carrière dans le domaine du CD-ROM culturel. Il est à cette occasion directeur artistique chez plusieurs acteurs majeurs du domaine : Index+ (Cofondateur avec Emmanuel Olivier), Nofrontiere (Autriche), Hyptique (Paris).
Par la suite, il travaille en tant que directeur artistique pour Yves Saint Laurent (CD Rom sur l’œuvre d’Yves Saint Laurent), Gallimard (Cd-Rom sur l’œuvre de Marcel Proust), Issey Miyake (site web), Chanel (site Web) mais aussi pour Nokia (design d’interface) et la fondation Cartier (catalogue d’exposition).
En 2009, il décide de revenir vers le design lié aux objets physiques. Il fonde Volumique qui est une maison d’édition, mais aussi un studio d’invention, de conception et de développement de nouveaux types de jeux, de jouets et de livres, basé sur la mise en relation du tangible et du numérique.